Joueur, je produis parfois des silences : j’ai besoin de réfléchir, de me concentrer, de gérer mes émotions, de faire la part des choses entre mes envies, celles de mon perso et la direction vers laquelle je peux amener la fiction. Or, d’une table à l’autre, le silence n’a pas la même place, et dans certaines il semble un ennemi à combattre. On veut des parties rythmées, et il faut bien remplir tout l’espace sonore.Moi-même en tant que meneur je peux avoir tendance à surinterpréter les silences, à speeder ou questionner outrancièrement un.e joueur.se pour qu’il s’explique ou soit dans le rythme que j’entends doner à la partie.
Avoir joué et fait jouer à Prosopopée m’a fait réfléchir sur les silences et leurs vertus. Néanmoins, la table virtuelle complexifie beaucoup le ressenti.
Alors, quelles sont vos expériences à ce sujet ? Comment vivez-vous les silences, les vôtres et ceux des autres ? Quels systèmes, outils, astuces, attitudes, autres, mettez-vous en place pour gérer les silences (soit pour les éliminer soit pour leur donner une place) dans vos parties, particulièrement en ligne ?
Ah Prosopopée, ce grand initiateur aux joies du silence !
J’ai eu la même révélation que toi
Une seule solution pour moi : en parler à la table. Soit en début de partie en l’intégrant à tes " routines de briefing ", soit quand cela se produit.
Chaque table est différente, de fait des participants, du jeu, des conditions ( fatigue, enregistrement pour actual play, …).
Le jeu en ligne génère dans mon expérience beaucoup de silences. Je m’assure toujours de ce qu’on ne coupe pas la parole aux joueurs créant des silences.
Un silence n’est pas forcément un défaut pour moi, ça peut être créatif, permettre une respiration.
Je vais dans le même sens que @Matthieu_B, surtout en table virtuelle, où l’on ne se voit pas, je dis tout simplement que je réfléchie ou que j’ai besoin d’un instant.
Pour ma part, j’ai découvert la portée des silences avec le jeu en ligne. De longs moments de silences ont produit chez moi, en tant que joueur, une tension. Alors que le rythme de la conversation se ralentit, j’avais l’impression que l’aventure s’accélérait… C’est une sensation que j’ai adorée. Dans Prosopopée, je n’ai pas eu la même sensation, ni dans Happy Together (où les silences sont très présents aussi).
Tout comme toi, Nitz, j’aimerai le mettre en place à mes tables. Mais je n’ai pas encore trouvé la bonne façon de le faire : en somme, la première demi-heure, j’arrive à en placer (en tant que MJ), mais dès que l’histoire avance, pris par l’enthousiasme de la partie, je les oublie.
Le briefing est une solution… et je pense que des exercices de préparation (façon échauffement) peuvent aussi être une façon d’apprendre à utiliser les et à expérimenter les silences à la table.
J’enfonce certainement des portes ouvertes. Je suivrai volontiers cette discussion et partagerai avec vous mes expériences sur le silence. Je vais sans doute proposer à nouveau du Prosopopée et du Happy Together (deux jeux où les silences font partie du système) pour comprendre comment cela s’articule autour de ma table.
Personnellement, j’ai toujours du mal avec les silences… notamment ceux des autres quand je ne les comprends pas - et en virtuel c’est pas facile : est-ce que le joueur cherche quelque chose à dire ? Est-ce que c’est ok de prendre la parole maintenant, ou le pj n’a-t-il pas fini de parler ? Est-ce que le silence est RP et laissé volontairement par le PJ ? Est-ce qu’il est laissé volontairement par le MJ pour induire une tension, un suspens dans la scène, transmettre une ambiance ou laisser place à une émotion… ou bien est-ce qu’on attend quelque chose des PJs et qu’il faudrait p’tet que je me bouge un peu pour trouver une idée pour pas trop perdre de temps ??
Bref, j’ai toujours tendance à vouloir « combler » les silences et essayer de les épargner aux autres quand ils sont de mon fait… (ce qui semble indiquer qu’inconsciemment, je suppose que les autres trouvent aussi les silences gênants). Alors qu’en y réfléchissant (et en vous lisant), je vois très bien en quoi les silences peuvent être soit nécessaires (réflexion, laisser la place à chacun de s’exprimer), soit souhaitables, agréables et volontaires (émotion, ambiance, tension…).
Mes amis, une fois n’est pas coutume je vais me faire avocat du diable.
A mes tables nous observons rarement des silences hors de la diégèse.
Nos personnages sont silencieux.
Mais les humanoïdes autour de la table gesticules, décrivent allégrement comment les personnages se toisent, s’effleurent, se jaugent ; à quoi ressemble le décors, les PNjs qui les entourent … etc
Bref tout ce monde cesse son effervescence que pour laisser le commis commander les pizzas (ou autre nourriture diététique).
Même lorsqu’un personnage est muet on comble avec des descriptions de sa gestuelle.
Et lorsqu’on profite d’un moment de calme on ne peut s’inspirer de films comme Drive ou Miami Vice ou une musique extra diégètique viens souligner le moment.
Dans le média Ludo narratif nous n’avons que la parole pour échanger. Peut-être une déformation professionnelle. Mais quand l’échange se rompt, comment doit ont l’interpréter ?
Comme @Cathia, j’ai un peu du mal avec les silences. Néanmoins, ils peuvent effectivement être un atout dans l’interprétation. Un joueur de ma connaissance — faisant du théâtre d’impro, ceci explique peut-être cela — joue une créature renfermée et décalée culturellement. Le personnage ne voulant pas commettre d’impair, ponctue chacune de ses paroles avec de longues pauses, hésitations et respirations irrégulières. La table est pendue à ses lèvres.
Sans faire de l’acting studio, James Spader est un acteur inspirant dans ce sens. Beaucoup de choses peuvent être véhiculées grâce aux silences. Dans l’humour awkward de The Office ou dans l’intensité de The Blacklist.
Le silence en ligne et sans caméra… C’est un peu une longue mort narrative. Si tu ne peux pas voir ton interlocuteur, un silence c’est une disparition pure et simple . Tout de suite se pose les questions : a t’il déco ? Mon micro marché t’il toujours ?
Cela ne participe en rien au jeu pour moi, et cela me sort tout de suite de la fiction.
En live, ou avec des joueurs en visu caméra, c’est autre chose. On ne dit pas “language du corps” pour rien. Pour moi, et seulement dans ce cas, le silence fait entièrement partie des éléments de langage pour faire passer ton RP.
Ah ça me fait bien plaisir de voir que tu n’es pas de mon avis. Je comprends que ça peut être perturbant les silences juste en audio.
Du coup j’imagine que sur des jeux narratifs où les participants doivent parfois se creuser les méninges, tu ne passes qu’en video ? (Ou peut être n’y joues tu pas!).
Pour éviter de briser le silence et checker un éventuel problème technique, j’utiliserai le tchat texte.
Qu’appels tu “jeu narratif où l’on doit se creuses les méninges” ? J’avoue n’avoir jamais ressenti se besoin en jeu… Les idées fusent assez facilement pendant le RP des autres non ?
Mais si je devais ne rien dire, alors que c’est mon tour de parole, je le verbaliserais très clairement :“mmmh laissez moi réfléchir”. Car il est important dans une partie en ligne où l’on ne te voit pas, de bien clarifier où tu en es dans ton processus créatif.
Humm par exemple les jeux descriptifs à Banane => le challenge du joueur à son tour est de parvenir à expliquer comment il utilise tel ou tel élément pour résoudre un challenge / répondre à une question.
Je pense aussi que ça dépend beaucoup de l’expérience des joueurs et de leur état de fatigue
Par jeux narratifs, je pensais notamment aux jeux “sans mj” ou “tous mj”.
Merci pour vos contributions ! Sans clore le sujet, le me permets ici une petite synthèse des propos (si j’oublie une idée qui vous semble importante ou si je déforme, n’éhsitez pas à me le dire).
Les silences sont un élément de communication non verbale. Ils peuvent avoir du sens : souligner la tension dramatique, poétique, être une forme d’humour. Ils aèrent la partie et permettent de réfléchir. En ligne, sans webcam, ils sont difficiles à interpréter, notamment pour savoir si le silence est volontaire. Des personnes sont gênées, cherchent à les éviter, à combler le vide laissé. Le type de jeu influe beaucoup sur la place du silence. Il aurait une place plus légitime dans les jeux hautement narratifs et les story games, notamment lorsque l’autorité narrative et la conduite de la partie n’est pas dévolue à la meneuse.
La meneuse ou l’organistrice de la partie peut donner de la place au silence dans le briefing et en cours de jeu. Les joueuses peuvent déclarer le sens de leur silence.
En tant que newbie du jeu virtuel, j’ai trouvé qu’il était encore plus difficile de couper la parole virtuellement qu’en vrai. A l’inverse, il est bien gênant que le MJ, voyant que tu ne t’es pas exprimé depuis un moment, décide de te faire choisir quelque chose, juste au moment où tu étais en train de réfléchir… Je pense donc que la question du silence concerne déjà surtout les habitués du jeu en ligne. Avant, on essaie déjà de comprendre comment interagir
