Jeux à univers, jeux à secrets

[fork du thread centre de réhabilitation des jeux malaimés]

Dans le “nouveau jeu de rôle”, que nous sommes beaucoup à pratiquer ici, les univers et les secrets ont moins la côte que dans les années 90/2000. On va préférer que les mystères et leurs clés émergent de la rencontre entre les joueuses. A noter au passage que certaines joueuses en ressentent un manque, une absence de surprise, l’impression que les parties se suivent et se ressemblent.

Personnellement, je pratique plutôt les jeux modernes, mais les jeux basés sur leur univers, riche et complexe, avec des secrets, c’est carrémment ma came. Un frisson d’excitation, un truc dans le bide que vous devez ressentir aussi je pense, non ? Ca me fait repartir dans mon adolescence… Mais, bon, il faut que ce soit bien fait, que le livre de base soit passionnant comme un roman, et sans renvois mercantiles et/ou paresseux à des extensions futures.

Mais, bon, ce genre de jeux c’est typiquement facteur de plantage et de frustration une fois passé à table… Trop d’infos, mal organisées, on veut tou faire jouer. On est frustrés parce que parfois les joueuses s’en battent totalement les gonades, qu’on arrive pas à conserver l’assiduité dans la campagne… Le plantage et la frustration sont aussi proportionnelles à l’excitation ressentis à la lecture.

Questions :

  • Quelles sont vos meilleures / pires expériences de jeux à univers / secrets
  • Comment adaptez / adapteriez-vous en jeu “moderne” un background à l’ancienne ?
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Un secret = un front.
Problème résolu. :sunglasses:

Pour qu’un secret soit utile, faut qu’il implique des conséquences directes. Pour moi, un bon secret est une doom’s day clock, quelque chose qui est en train de se passer et qui si arrive à échéance, change à jamais le monde connu. S’il n’y a pas d’enjeu narratif, les joueurs auront raison de passer à côté.
Dans ma campagne actuelle d’Ironsworn, il y a un gros secret sur ce qu’il se trame, certaines factions sont au courant, d’autres ont des éléments, les PJs débutent avec rien mais, pour éviter la frustration, y a qu’à se baisser pour ramasser les grandes lignes de ce qui se trame.

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Typiquement c’est le genre de jeu que je préfère par opposition aux jeux à narration partagée. Pourtant y jouer nécessite un gros investissement, voir trop gros surtout si on est un peu ambitieux et qu’on veut faire une campagne.
Ce que j’essaye de faire avec plus ou moins de succès c’est de faire les 2 à la fois des intrigues liées aux personnages de style “front” et une/des intrigues liée(s) à des secrets de l’univers. Avec l’aide des joueurs c’est possible de broder des liens entre les 2 mais c’est parfois compliquer si on veut rester cohérent.
Souvent j’ai remarquer que les regards MJ/PJ sont très différent l’un de l’autre sur une même partie. Les MJ doivent relativiser leur attentes et minimiser leur investissement pour éviter la frustration dont tu parlais et les PJ doivent jouer le jeu et accepter d’entrer dans l’histoire même si parfois c’est un peu bancal.
Le but est de s’amuser tous ensemble et que tout le monde y trouve son compte :slight_smile:

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Pour moi, il y a deux choses un peu distinctes : jeux à univers et jeux à secrets.
Je vais me limiter aux jeux à secrets dans ma réponse.
Une bonne expérience ce fut Scales. Les joueurs découvraient peu à peu l’univers et ses multiples secrets, et cogitaient sur la trame de fond de la mort de la Mère.
Inversement, je trouve que le secret des Etrangers dans Retrofutur n’apporte pas grand chose. Il sert surtout de justification à cet univers bizarre, mais en jeu ce n’était pas crucial. Une fois que j’ai eu l’explication finale, je ne voyais pas trop quoi en faire.

Je suis un peu étonné par “les joueurs ne sont plus surpris” dans les jeux qui intègrent de la narration partagée. Tel que je le conçois, le MJ participe aussi à cette narration, et c’est aussi son rôle d’injecter des choses. Dans les Pbta, je pose des questions aux joueurs puis je m’approprie les réponses, je complète, je transforme. Parfois en utilisant du hasard (cartes d’Everway, tables aléatoires) pour être aussi surpris et sortir de mes schémas habituels.
Par exemple, dans ma campagne d’Urban Shadows en cours, le Sanctifié m’ annoncé au début qu’il cherchait l’Elue. Au cours des parties je lui ai posé des questions, parfois au joueur, parfois au personnage via son Troupeau, pour cerner peu à peu le rôle de cette “Elue”. Au fur et à mesure que la campagne avance, les éléments se précisent, et il a fallu enfin déterminer qui était l’Elue. A ce moment , il y avait en gros de deux possibilités sur l’identité. C’est moi qui ait tranché, en fonction de mon agenda, et de mes principes. Il y avait bien un “secret” mais au début de la campagne, personne n’en connaissait la réponse.

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Mon expérience en la matière fut de vouloir monter une table de Nephilim. J’avais acheté et lu presque l’intégralité de la gamme (1ère et 2ième), franchement je pense que j’ai du mettre 2 ans de lecture avant de me dire “allez on va lancer une campagne ! Ouais !”.

Résultat : Un fiasco innommable… Campagne, mécanique, ambiance tout… immonde. Je suis allé jusqu’à la fin de la campagne du Mont Saint Michel, une catastrophe retentissante.

Mais cet univers a continué de tourner dans ma tête. Je n’ai plus ouvert aucun livre de la gamme et j’ai laissé décanter.

3 ans plus tard j’ai eu envie de relancer une campagne. Mais à ma manière. J’ai donc viré le système est bidouillé un truc à l’arrache mélange entre the puddle et Conspiration, bien avant de découvrir ApoWorld, et j’'ai refusé de ré-ouvrir un livre de background et j’ai fais jouer le souvenir que j’avais de ce BG. J’ai posé sur le papier une dizaine de PNJ et une intrigue très globale tenant en 10 lignes.
Le principe même de Nephilim “les PJ sont des âmes élémentaires immortelles qui s’incarnent à travers les siècles et ont à chaque fois la désagréable expérience d’avoir oublié leurs vies passées” , ma permis de leur faire vivre de (long) flashback de leurs anciennes époques d’incarnation (on parle de plusieurs séances de jeu pour chaque époques) et lors de leur retour dans dans le présent de builder le monde et les intrigues en fonction de leurs actions passés. Le plus important étant de mettre les joueurs face aux conséquences de leurs actions (positives ou néfastes pour eux). L’effet domino est un moteur incroyablement payant en matière d’implication des joueurs et de génération cohérente de rebondissements narratifs. Donc toute mes intrigues se sont construites à postériori à partir des actions passés de mes joueurs. Qui ont rapidement compris que se qu’ils faisaient impactait vraiment le monde dans lequel leurs perso se trouvaient. On a tenu comme cela 3 ans et fait 96 séances de jeu…

Cela m’a appris qu’un BG long comme le bras et qu’un univers à secret doit toujours être utilisé comme une inspiration et que cela sera toujours plus facile de jouer le souvenir de ce BG que le BG tel qu’il est écris. Et surtout que le JDR c’est uniquement se qui se passe à la table, donc qu’une intrigue ou un mystère n’a pas besoin d’être préparé, il peut être improvisé et prendre corps entre deux séances lorsque vous faite le point après la partie et qu’il doit servir directement des la prochaine séance.
Dans cette même campagne de Nephilim je leur ai fais joué une enquête à un moment. La seule chose que je savais c’est que X était mort… C’est tout. J’ai entièrement monter l’intrigue en fonction des discussions des joueurs qui croyaient avoir à faire à une vraie enquête. Parfois je disais “oui” à leur supposition en laissant trainer une preuve allant dans leur sens parfois je disais “non” en laissant trainer une preuve bien claire pour leur dire qu’ils faisaient fausse route. L’enquête “résolue”, se qui a été le plus intéressant ce fut se que les joueurs ont fait avec la “vérité” et ensuite de modifier mon échiquier et la relation map des PNJ en fonction de tout ça.

Donc pour moi un jeu à secret et BG géant doit être traité de la même manière qu’un jeu PbtA. Jouez pour voir se qui va se passer. N’hésitez pas à tout chamboulé pour coller aux actions des joueurs et surtout jouer les conséquences de leurs actions. Ne dépassez pas les 30 minutes de préparation ou de débriefing perso entre les séances. Et enfin prenez plus de temps pour penser à l’interprétation de vos PNJ et de vos décors. résumez les rapidement (avec des mots clefs ou comme des fronts). Travaillez leur interprétation et rendez crédible leur actions et réactions par rapport à ce que font les PJ. Mais surtout faite les agir à la table devant les PJ. Jamais dans l’ombre loin du regard des joueurs.

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Moi aussi j’adore les jeux à secrets (la place que me prend Vampire Le Mascara en atteste).
Mais depuis quelques années je préfère le jeux avec MES secrets.
Le premier jeu qui m’en a donné l’idée est Patient 13. Un monde mystérieux et plusieurs solutions.
Mais ce fut Eclipse Phase (je pense faire une réhabilitation de ce jeu mais j’attends la saint Valentin ) qui enfonçât le clou. Un super univers, pleins de secrets tous présent dans le livre de base mais rien de définitif.
Que s’est-il passé lors de « La Chute » ? On te donne des pistes, des idées, des possibilités mais c’est tout.
Et là, je crie vide créatif.
J’ai accouché de la meilleur campagne (à ce jour) qui m’ai été donné d’écrire et faire jouer (jusqu’as ce qu’un petit être tout gras et tout rond interrompe tout).
M’inspirant des pistes du livre, et de tout ce que l’humanité a pu produire en rapport avec la thématique. Mes secrets n’ont jamais été aussi percutant et traumatisants.
Puis mieux, je pouvais les adapter à mes PJs et mes joueuses. Jouant sur des sujets qui leurs tiennent à cœurs. Voilà comment nous avons beaucoup traité de la ségrégation dans un jeu dont ce n’était pas un thème auquel les créateurs avaient pensé en écrivant ce jeu (du moins, je ne pense pas).

Pas mieux :wink:

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Pour rebondir sur la question initiale, et comme je suis dans la même interrogation, je me suis demandé comment passer d’une écriture en entonnoir (l’enquête des PJs aboutit à découvrir le grand méchant de l’histoire et tout ce qu’il a tramé pendant tout le scénario) à une improvisation qui donne ce même sentiment (bon sang, c’était donc ca, le fameux mystère pour lequel on discutait depuis des heures… Il y a bien sûr la possibilité d’utiliser le mode de narration tragédien, à savoir qu’on annonce dès le départ quelle sera la chute (en meta-jeu), et ensuite on s’amuse à la raconter. Néanmoins, le plaisir de l’enquête repose notamment sur le principe de la surprise et de la recherche logique vers une conclusion qui en découle. Le rôle du MC reste dans ce cadre plus traditionnel, au sens qu’il est le détenteur de la “vérité” et que celle-ci ne peut pas venir des joueurs eux-mêmes.

J’aimerais donc savoir si vous aviez des astuces ou des méthodes pour partir d’une histoire linéaire (livre, scénario classique) et en faire des fronts / menaces (comme évoqué ci-dessus) qui vont avoir l’effet “wow” à la fin, cette impression d’avoir couru contre une menace tout au long de l’aventure et de l’avoir arrêté in extremis. Quelles manoeuvres sont elles obligatoires ou conseillées pour arriver à ce résultat ? Est-ce plus facile avec certains archétypes que d’autres ?

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Une possibilité serait de faire comme dans “Crimson Letters” (dans le livre de base de l’AdC v7) : une galerie de personnages ayant tous des motivations et des mobiles. Le scénario conseille de choisir un.e “coupable” avant la partie mais il est parfaitement possible de déterminer ceci en cour de jeu en fonction des intérêts et des idées des joueuses.

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Comme je l’ai écris plus haut, en mode prestidigitateur ça passe tout seul.

Lorsque tes joueurs suivent une piste, tu leur met des indices qui vont dans le sens de leurs suppositions lorsqu’ils sont trop sur, hop tu leur met un indice qui leur laisse penser qu’ils font peut être fausse route. Et tu les relances avec des nouveaux faisceaux d’indices vers une autres solutions possibles. Tu écoutes tes joueurs et à la fin lorsque tu dois révéler le mystère tu tranche parmi les suppositions qu’ils ont faite, celle qui t’inspire le plus et tu leur sert dans une scène climax. Évidement tu racontes que tu avais tout écrit mais qu’ils sont quand même très fort car ils ont tout trouvé…

Bon ça c’est de la bonne mystification digne de la philosophie “les dés ne servent qu’à faire du bruit derrière l’écran”. ça marche, ça va marcher sur pas mal de joueurs, mais tu auras peut être envie de ne pas faire le magicien à chaque fois.

Après mener une enquête en mode narration partagée ou narrativisme, pour le moment je n’ai rien trouvé qui tienne la route. Cela doit être possible, car en soit une campagne d’Apocalypse World dans les faits ne révèle son intrigue qu’à postériori. “On a tellement fait de 6- des que cela concernait Roger le pouilleux qu’en fait c’était lui le grand méchant”…

@Mat en gros, j’écoute le hasard ? C’est un peu frustrant comme méthologie :slight_smile: Bien sur, on peut diriger les joueurs là où on souhaite aller, en fonction de ce qu’ils se rapprochent ou non de la fin, mais d’une part les joueurs sont en général assez malins pour sentir le metagame se tisser ou se défaire autour d’eux ; d’autre part, on n’a pas l’effet wow d’une vraie construction à tiroirs, j’imagine. Car parfois, les secrets sont vite révélés, avec des joueurs suffisamment alertes d’esprit. Et tant mieux, ca rend le jeu plus captivant. Mais si je me base uniquement sur les éloigner ou les rapprocher de mes fronts, l’aspect d’enquête s’efface devant l’opposition entre la volonté des joueurs et la mienne, je trouve. Bon, ca reste théorique tout ça, j’en conviens.

Le jeu d’enquête classique (avec un mystère et un coupable prédéterminé) est vraiment l’archétype du déroulement de partie “à l’ancienne”. Les joueurs sont là pour “réussir” un scénario, relever un défi. C’est eux contre l’auteur du scénar.
Je pense que les jeux narrativistes ne sont intrinsèquement pas fait pour créer ce genre de fiction et de défis ludiques. Tu demande à une mécanique de jeu qui a été pensée à l’opposé du défi ludique (battre le scénar), d’émuler un défi ludique…

Donc il faut, je pense, repenser tes attentes.

Si tu recherche le vertige du joueur qui réalise la profondeur des intrigues et du mystère qu’il a démêlé, rien ne sera plus efficace pour obtenir cela que d’avoir un MJ scénariste qui t’as préparé une conspiration à découvrir.

Si tu souhaites une approche plus émergente, l’effet “wow” viendra plus de la fierté meta d’avoir créé tous ensemble une intrigue complexe, que du plaisir du joueur spectateur devant une intrigue bien ficelée.

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On peut faire quand même un mix des deux.
Si c’est un scénar horrifique poulpien par exemple, le front pbta s’y prête très bien avec un danger qui s’accroît au fur à mesure pour aboutir à une fin cataclysmique ou pas selon ce que feront les PJ pour l’entraver.
Si c’est une enquête rien n’empêche qu’il y ait également des dangers avec leurs objectifs criminels /maléfiques qui progressent pendant que les PJ tentent de découvrir la vérité. Les manifestations régulières de ces dangers (nouveaux crimes/horreurs) permettront aux PJ d’affiner leurs recherches, leur donneront de nouvelles pistes à explorer.
Les échecs des actions permettront de générer d’autres merdes annexes ou de révéler des sinistres présages qui donneront du fil à retordre.
Le pbta est assez compatible tout compte fait et n’empêche pas la création collective de l’aventure au gré des jets de dés.