PbtA : les joueuses doivent-elles aller vers les moves ?

C’est certainement un marronnier des discussions entre amateur de jeux propulsés par l’apocalypse, mais je n’ai pas encore vu de discussions publiques à ce propos alors je me lance.

Dans la plupart des PbtA, les moves sont enclenchés par des actions spécifiques qu’entreprennent les personnages des joueuses. J’ai le souvenir d’avoir lu (certainement dans Monster of the Week) que les joueuses sont censées décrire les actions de leurs personnages et que le MC doit déceler quand une description peut correspondre à un move.

Dans la pratique, les moves de bases étant mis à disposition des joueuses, celles-ci vont souvent lire les moves et demander au MC de les enclencher pour faire avancer l’histoire.

Je me demande à quel point c’est une bonne chose. En particulier quand certaines parties peuvent se transformer en accumulation de moves sans faire des aller-retours systématiques à la fiction (ou en faisant des narrations après coup et/ou succinctes). Y a-t-il un juste milieu à trouver ? Comment y parvenir ?

J’ai bien conscience que chaque PbtA est différent, mais comme c’est un questionnement qui me revient à chaque fois sur ces jeux, ça me semble pertinent de regrouper. N’hésitez pas à prendre des exemples de jeux en particulier pour donner votre avis.

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Alors la ce n’est pas très compliqué et si j’ai bon souvenir DW en parle (ADW en parle ça c’est sûr). Dès qu’on cite un move par son nom, genre typiquement, “je taille en pièces”, je pose directement la question "comment fais-tu ? " ou "comment t’y prends-tu ? ". Cela permet notamment de régler les questions de déplacement et de positionnement “fictionnel” (j’aime pas trop ce néologisme mais il fait le job).
Cette question marche pour tous les moves ou presque et permet également de régler des situations lorsque l’on est en conflit sur la faisabilité d’une action. Plutôt que de dire “je ne pense pas que tu puisses faire ça” je préfère largement “comment t’y prends tu ?”. Si c’est convaincant, je reste fan des personnages.

Comme Magi max , mais depuis peu je suis surtout en face de la situation inverse. Les joueurs jouent leur perso et c’est moi qui les arrête pour lancer des move, avec le soucis de toute les actions de perception. Les joueurs n’y pensent pas toujours et c’est moi qui dois parfois leur demander s’ils ne seraient pas motivé par un tel move.
J’ai même eu le droit il y a peu à un
" - lance moi un (mettre le nom du move social)

  • ok si tu veux, moi je fais juste du RP".
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Dans la VF de Monster of the Week, ils citent les deux en exemple (et c’est plutôt malin, de mémoire tous ne le font pas) :

Pour moi les deux sont aussi pertinents l’un que l’autre.
Un move ayant pour but de relancer la fiction quand il y a une incertitude, une accumulation de move n’est pas, à mon sens, une manière intéressante de jouer à un pbta. Dans ce cas, la méthode de Magimax fonctionne à merveille !
Ça rejoint aussi le principe qui dit “pose des questions ouvertes, construit sur les réponses”

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Excellente réponse de Fabrissou qui souligne bien que c’est l’intention et le résultat escompté qui sont les plus importants. Du coup, un move de collecte d’information ne peut se déclencher que si l’on se trouve dans une situation ou l’information peut effectivement être obtenue (j’ai tendance à avoir l’interprétation large là-dessus, mais pas plus tard que samedi j’ai interrompu mes chasseurs qui tentaient de spammer les “investigate” à coup de recherche Internet en ne déclenchant pas le move et en les bombardant d’infos fantaisistes. Traduction : on va faire avancer l’histoire en faisant autre chose).

La qualité de la rédaction du move joue également un grand rôle : Masks et AW ont des moves très bien écrits avec des déclencheurs précis et garantissant des enjeux (“affronter une menace” implique… une menace dans Masks), ce qui n’est absolument pas le cas de DW (“tailler en pièce” ne pose aucune condition de difficulté de la tâche ou de complication possible, juste de combat au corps à corps).

Et pour rebondir sur ce que disait @Mat, j’ai vu des joueuses refuser un move quand le MC lui en donnait la possibilité.
“donc là je l’embrasse, je mets ma main dans ses cheveux et je me colle contre lui”
OK, tu essayes de l’exciter, là, lance-moi 2D6+Hot !
“Non, non, je lui témoigne juste de mon affection, rien de plus”

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Cette dernière nuance est essentielle.
Finalement, on revient au principe de la discussion : la manœuvre n’intervient que si MC et joueur sont sur la même longueur d’onde.

Par contre, à mon sens, rien n’interdit l’interprétation. Dans Braquage en plein jour, j’ai proposé une manœuvre impliquant des otages à un joueur qui menaçait de faire sauter une partie de Buckingham Palace, ce dernier étant plus important pour les autorités que les touristes allemands enfermés dans les salons. Le joueur n’y avait pas pensé mais a saisi cette opportunité. On a ensuite adapté ses moves dans cet esprit.

Dans tous les cas, les joueurs auront tendance à aller vers leurs manœuvres parce qu’elles sont sous leur yeux, en bonne place sur leur feuille de personnage.
À Night Witches, un joueur débutant s’est mis à voler car son profil indiquait que son aviatrice était douée pour “taxer”. Lui a pris cela comme un élément de background, indiquant qu’elle avait toujours fait ça pour survivre, etc.

Les moves sont clairement des fusils de Tchekhov : s’ils sont là c’est pour qu’on les utilise. Toute la dynamique du jeu est là. Le MC doit arbitrer et éviter les abus. Ça tombe bien, c’est son job !

L’ancêtre AW le précise déjà, c’est la fameuse règle des actions et ce n’est pas un hasard si elle est une des premières choses dans les règles, juste après la conversation et avant les caracs.

La règle des actions c’est : quand on le fait, on le fait. Pour pouvoir faire une action et lancer les dés, le personnage doit faire quelque chose qui compte comme l’action qu’il veut faire. De même, dès que le personnage fait quelque chose qui compte comme une action, c’est une action et le joueur doit lancer les dés. D’habitude, c’est assez clair : « Merde, on va dire que je rampe hors de là. J’essaie de garder la tête baissée. J’agis face au danger, c’est ça ? — Bingo. » Mais il y a deux cas où ce n’est pas clair et c’est ton travail de MC de t’occuper de ça.

Le premier cas : quand un joueur annonce simplement que son personnage fait une action sans donner plus de détails. Par exemple : « Je l’agresse. » Ta réponse doit être : « Cool, qu’est-ce que tu fais ? » « Je prends la radio par la force. — Cool, comment tu fais ? » « J’essaie de le séduire. — Cool, comment tu t’y prends ? »

Le second cas : quand ce qu’un joueur décrit compte comme une action, mais qu’il ne s’en rend pas compte ou n’a pas envie de faire cette action à proprement parler. Par exemple : « Je le pousse hors de mon chemin. » Ta réponse doit être : « Cool, tu l’agresses, alors ? » « Je fais la moue. “Bon, si tu ne m’aimes pas vraiment…” — Cool, tu essaies de le manipuler ? » « Je me force un passage entre le tracteur et le mur pour qu’ils ne me repèrent pas. — Cool, tu agis face au danger ? »

Tu ne poses pas la question pour permettre au joueur de ne pas lancer les dés, mais pour lui donner une chance de faire marche arrière si le joueur n’a pas vraiment envie de faire cette action-là. Bon : « Oh ! Non, non, s’il est vraiment en train de me bloquer le passage, rien à foutre, je fais demi- tour. » Pas bon : « Ben non, je veux juste qu’il me laisse passer, je veux pas lancer les dés. » La règle des actions c’est quand on le fait, on le fait, alors tu lances les dés.

Et c’est essentiel d’avoir les deux : la fiction et le l’action. Les joueuses aguerries précisent les deux d’entrée, en quelque sorte sous-titrant leur action fictionnelle avec le nom de la manœuvre.

Moi je pensais que le sujet serait un truc du genre “les joueuses doivent-elles orienter leur jeu pour déclencher le plus d’Actions possible ?”

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Je viens de comprendre ce que je déteste dans s’emparer d’un avantage d’ironsworn

S’EMPARER D’UN AVANTAGE
Lorsque vous évaluez une situation, que vous faites des préparatifs ou qu vous tentez d’obtenir un moyen de pression, visualisez votre action et faites un jet. Si vous agissez…
• Avec rapidité, agilité ou précision : Faites un jet +vigueur.
• En usant de votre charme, par loyauté ou avec courage : Faites un jet +coeur.
• En agissant agressivement, en vous défendant brutalement, en testant votre force ou votre endurance: Faites un jet +fer.
• En ayant recours à de tromperie, à la discrétion ou à la ruse : Faites un jet +ombre.
• En tirant parti de votre expertise, de votre inspiration ou d’observation : Faites un jet +astuce.
Sur un coup fort, vous obtenez un avantage. Choisissez l’un des deux bénéfices suivants :
• Vous prenez le contrôle : Déclenchez une autre action immédiatement (sauf une action de progrès) ; vous gagnez +1 sur cette dernière.
• Vous vous préparez à agir : Vous gagnez +2 élan.
Sur un coup faible, votre avantage est de courte durée. Vous gagnez +1 élan.
Sur un échec, votre tentative échoue ou vos suppositions vous égarent. Vous devez en Payer le Prix.

Cela revient à “quand on fait, on ne le fait pas”. C’est un jet de dé qui prépare une future action sans réaliser automatiquement de conséquence.
Ca explique pourquoi je buggais en tant que MJ à chaque utilisation de ce mouvement.

J’ai peu d’expérience en la matière. Mais il me semble que le game design d’AW est avant tout concentré sur le type d’histoire que Baker voulait raconter, et que c’est de ce souhait que découlent les Actions, qui permettent justement de s’assurer qu’on va vers le type d’histoires prévues par le jeu. Du coup, j’aurais tendance à dire oui, les Actions sont ce que le game-designer veut que les joueuses fassent.

Y a-t-il un risque si les joueuses déclenchent trop d’Actions ? Je ne sais pas trop, chaque jet commençant et finissant dans la fiction, ça évite d’enchaîner des lancers sans queue ni tête. Donc je doute que le jeu sature, mais je peux me tromper :slight_smile:

Quel est le risque dans le cas contraire ? A priori, juste de jouer à un autre jeu, mais ça devrait tourner malgré tout : concentric game design - V. Baker